Chili : Marée saumon

La forte mortalité qui touche animaux marins, mollusques et poissons sur les côtes de l’archipel de Chiloé (1 000 kilomètres au sud de Santiago) depuis plusieurs semaines, serait due à la prolifération de micro-algues – la marée rouge – sous l’effet du réchauffement des eaux du Pacifique.

Mais El Niño a bon dos  : selon des chercheurs de la région, il n’existe aucune preuve que cette marée rouge soit la cause de la mortalité des mollusques dans la zone. En effet, ce phénomène a lieu environ tous les 5 ans et, si diverses espèces d’algues se multiplient, leur toxicité est contrôlée et étudiée.

Quoi qu’il en soit, depuis fin avril, l’interdiction de la consommation de poissons et de fruits de mer a jeté au chômage forcé environ 500 familles qui vivent de la pêche et du ramassage des algues comestibles. « Ils veulent nous faire croire que toute cette catastrophe est un phénomène naturel : la marée rouge », tempête le chercheur Luis Bahamonde. Et la responsabilité des industriels de la pisciculture qui ont déversé au large des côtes des milliers de tonnes de saumons infectés est largement sous-estimée.

Le Chili est le deuxième producteur mondial de saumons d’élevage derrière la Norvège qui a investi des sommes considérables dans le pays, par l’intermédiaire de la multinationale Marine Harvest. Mais, contrairement à d’autres territoires, le saumon n’est pas là dans son milieu naturel et, pour qu’il puisse se développer, il est nécessaire d’ajouter de fortes quantités de produits chimiques et de pesticides. De plus, la variété locale est de couleur grise et pour que le résultat final soit bien conforme aux attentes des consommateurs, les industriels offrent un large choix de colorants synthétiques, du rose pâle au rouge foncé, administrés avec la nourriture. « L’élevage de saumon fonctionne comme d’énormes extracteurs qui prennent tout, même les rêves des iliens », déplore le philosophe Marcos Uribe.

Depuis trois décennies, les habitants de Chiloé sont devenus des saisonniers de l’industrie du saumon, dans une région où la pêche traditionnelle est l’activité principale depuis des siècles mais aujourd’hui sous la menace des quotas de pêche. Le gouvernement de Michèle Bachelet a offert une indemnité d’environ 400 euros aux pêcheurs qui l’ont refusée catégoriquement puisque cela justifierait une catastrophe écologique en niant le rôle des industriels pollueurs.

Le 21 mai dernier, la traditionnelle et néanmoins très institutionnelle Fête de la mer s’est transformée en grande manifestation contre les autorités et les industriels à travers tout le pays, notamment à Valparaiso. Après 20 jours de blocage de l’archipel, les habitants restent mobilisés, même si les entreprises piscicoles ont licencié massivement, et bien que le gouvernement ait promis de renégocier les indemnités à la hausse. L’heure est maintenant aux actions devant les tribunaux afin de conduire des recherches scientifiques sérieuses, de poursuivre les responsables de ce crime écologique et de démasquer la corruption qui a permis l’implantation des activités industrielles au péril de l’écologie et de la préservation des espèces marines. Reste à envisager une exploitation respectueuse de la mer et de la culture chilote, en abrogeant pour commencer la loi sur la pêche, qui pèse beaucoup sur les artisans et peu sur les grands industriels de la mer. En renouant ensuite avec la tradition communautaire mapuche autour de la minga, sorte d’organisation coopérative de la vie des iliens qui leur permet de préserver leur culture depuis des siècles.

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