Violences policières

Ce que Maurice Rajsfus fut

Rescapé de la rafle du Vél’ d’Hiv’, Maurice Rajsfus a documenté les abus de la police pendant des décennies. Il est décédé le 13 juin, jour d’une immense manifestation parisienne contre les violences policières. Hommage.

Les policiers ? « Si tu leur réponds, il y a outrage. Si tu résistes, il y a rébellion. Si tu prends la foule à témoin, il y a incitation à l’émeute », commentait Maurice Rajsfus dans un entretien1 à CQFD, où il constatait le comportement de plus en plus » invraisemblable » des policiers. C’était en 2008, sous Sarkozy. Maurice nous a quittés le 13 juin dernier à l’âge de 92 ans. Le même jour à Paris, une manifestation contre les violences et l’impunité policières convoquée par le comité Adama remplissait la place de la République.

Resté jusqu’au bout un espiègle jeune homme, Maurice Rajsfus avait consacré une grande partie de sa vie à documenter les abus policiers. De 1968 à 2014, il avait accumulé une immense masse d’archives d’articles de presse consacrés au sujet. Cofondateur de l’Observatoire des libertés publiques, il avait aussi écrit une cinquantaine de livres, dont un tiers consacré à la police française.

Le 16 juillet 1942, le petit Maurice était raflé avec sa famille. Sa sœur et lui échappèrent à la déportation – pas ses parents, juifs polonais. » Décoré de l’étoile jaune par la police française », il n’hésitait pas à sortir ce bout de tissu de sa poche enveloppé dans un plastique qu’il conservait toujours sur lui, pour le montrer à ses interlocuteurs. En historien amateur, il a ouvert tout un champ d’études jusque-là inédit sur la période de Vichy : » Les historiens institutionnels m’en ont toujours voulu d’avoir mis les pieds dans leur pré carré, expliquait-il. Ils ne m’ont jamais aidé ni cité. Il faut dire aussi que [pendant longtemps] sur la centaine de bouquins écrits sur la Résistance, pas un seul n’était consacré à la police, pas un seul chapitre non plus. »

Soutien des Palestiniens, il avait commis le faux-pas de figurer sur la liste Euro-Palestine aux élections européennes de 2004 en compagnie de Dieudonné, avant de s’en retirer pour ne pas créer de la division entre « les divers comités qui luttent pour la reconnaissance des droits d’un peuple marginalisé ». Compagnon de route de Ras l’Front et des libertaires, il répondait présent à la plupart des manifs parisiennes, jusqu’à ce que ses genoux vieillissants ne lui permettent plus de s’y rendre. Maurice, monsieur adorable et humble, est mort à un moment où tout ce pour quoi il s’est battu retrouve son expression dans l’actuel mouvement contre les violences policières. Grand respect à ce précurseur.

Mathieu Léonard

1 « Que fit la police ? », CQFD n° 54 (mars 2008), disponible en ligne.

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