En Californie, ce sont des initiatives populaires qui ont permis de légaliser la marijuana. Cependant, comme l’observe Le Monde, « alors que l’introduction des consultations directes avait été l’une des grandes réformes de l’ère progressiste des années 1900-1920, le système finit par être l’apanage des riches et des lobbys [2] ». Lors de la consultation sur Notre-Dame-des-Landes, les zadistes avaient senti une entourloupe sur le périmètre du vote et appelé au boycott. Les partisans de l’aéroport, arrivés en tête de peu, dénoncèrent un déni de démocratie après l’abandon du projet par Macron.
Dès lors, comment éviter l’hystérisation de positions clivantes et la tyrannie de la majorité ? Murray Bookchin [3] dans un recueil de textes paru le 15 mars [4], offre quelques pistes d’analyse dans un cadre communaliste : sortir d’abord de l’atomisation et de l’infantilisation des démocraties libérales.
« Voter lors d’un référendum dans l’intimité de “l’isoloir”, ou dans la solitude électronique de sa propre maison, privatise la démocratie et ainsi la mine. Le vote, de même que les sondages d’opinion sur les préférences en matière de savons et de détergents, représente une quantification radicale de la citoyenneté, de la politique, et de l’individualité, et une caricature du processus véritable de la formation des idées qui résulte de l’échange d’informations. Le vote est l’expression préformulée d’un “pourcentage” de nos perceptions et de nos valeurs et non leur expression entière. C’est une technique d’avilissement des opinions en simples préférences, des idéaux en simples goûts, de la compréhension synthétique en pure quantification, de façon à pouvoir réduire les aspirations et les convictions des hommes à des chiffres. »
« En fin de compte, “l’individu autonome”, privé de tout contexte communautaire, de rapports de solidarité et de relations organiques, se retrouve privé du processus de formation de soi – paideia – que les Athéniens de l’Antiquité assignaient à la politique comme l’une de ses plus importantes fonctions pédagogiques. […] Si l’autorité idéologique du pouvoir d’État et de l’art de gouverner repose sur la conviction que le “citoyen” est un être incompétent, quelquefois infantile et généralement peu digne de confiance, la conception municipaliste de la citoyenneté repose sur la conviction exactement contraire. Chaque citoyen serait considéré comme compétent pour participer directement aux “affaires publiques” et surtout, ce qui est le plus important, il ou elle devrait être encouragé à le faire. »