Des fruits palestiniens made in Israël

Agrobusiness colonial

Agrexco, exportateur israélien de fruits et légumes, devrait s’installer à Sète d’ici 2010, créant 200 emplois. Ce projet, intimement lié à la colonisation de la Palestine, contribuerait au passage à flinguer l’agriculture paysanne en Languedoc-Roussillon. Tout le monde n’est pas d’accord…

« VOUS SAVEZ qu’ici nous sommes une zone libérée d’Eretz [Israël] depuis trente ans ! » C’est par ces mots que l’inénarrable Georges Frêche,président de la Région Languedoc- Roussillon, accueillait une délégation israélienne en 2007. Car Jojo est un chaud partisan de la politique de Tel-Aviv. À tel point qu’en janvier 2009, en pleine offensive contre Gaza, et en prévision des futures régionales, il annonce un plan d’investissement de 200 millions d’euros pour le port de Sète, avec l’arrivée sur le terminal de la société israélienne Agrexco – un des plus gros exportateurs de fruits et légumes frais dans le monde.

L’arrivée d’Agrexco sur Sète a pourtant du mal à passer. Car cette firme vend illégalement des fruits et légumes labellisés « produits d’Israël »,mais cultivés dans des colonies implantées sur les territoires palestiniens1, principalement dans la vallée du Jourdain. Une vallée où 7000 à 9000 colons contrôlent 95% des terres et 98% de l’eau. Agrexco est l’une des principales entreprises à exploiter les ressources agricoles de ces colonies, illégales au regard du droit international. Pire encore : Agrexco, gérée à 50% par le ministère de l’Agriculture israélien, est le véritable bras armé de la politique de colonisation agricole en Palestine.

Georges Frêche, sous prétexte de créer 200 emplois, signe donc un contrat avec une boîte qui exproprie les paysans palestiniens, puis les embauche à moindre coût sur leurs propres terres. Le sujet rend le président de Région chatouilleux : à l’avant-veille d’une manif contre Agrexco, il déclare, tout en finesse : « Ils manifestent pour Ben Laden ! » À une lettre de France-Palestine Solidarité2 l’interpellant sur son non-respect du droit international, il répond : « Je n’ai pas l’habitude de mêler la politique et l’économie. » Dans la foulée, il accuse d’antisémitisme un élu Vert opposé au projet3.

Si cette opposition était au début plutôt timide (qui va cracher sur 200 emplois ?!), une coordination de 93 partis politiques, syndicats et associations a vu le jour à l’appel d’une « coalition contre Agrexco »4. Car l’arrivée à Sète de ce fleuron de la colonisation israélienne soulève de nombreuses questions politiques, mais aussi économiques et écologiques. Pour Nicolas Duntz, de la Confédération paysanne, l’implantation d’Agrexco est aussi une « aberration écologique et économique  ». « Transporter un produit sur des milliers de kilomètres » coûte cher à la planète et à la paysannerie locale. « On ne peut pas avoir de politique de développement agricole régionale fiable si on ne met pas tout en oeuvre pour créer de l’emploi paysan. »

La coalition contre Agrexco arrive donc à se mobiliser sur plusieurs fronts : solidarité avec la Palestine, boycott des produits israéliens, droit international, emploi paysan, autonomie alimentaire, écologie. En juillet, quatre membres de la coordination sont partis en Palestine pour rassembler des preuves, en vue d’une éventuelle action en justice. Si le combat a démarré dans l’Hérault, il doit à terme devenir européen car, comme l’explique Vincent Mazureck (NPA), « si Agrexco est rejeté de Sète et s’installe à Barcelone, on sera bien avancés… ». Mais si, faisant l’unanimité contre eux, les truands d’Agrexco atterrissaient en prison, on leur apporterait des oranges palestiniennes.


1 L’UE et Israël ont des accords commerciaux qui permettent des exemptions de droits de douane.

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