À la soupe !

Immédiatement après qu’a été faite, à la toute fin du mois d’août (2017), l’annonce que le journaliste Bruno-Roger Petit (rires) venait d’être embauché à l’Élysée (où désormais il portera officiellement la parole du président Macron après l’avoir si longtemps louangé de façon plus officieuse) : l’hebdomadaire Marianne, où l’on ne plaisante pas du tout avec la déontologie, a lancé une grosse charge contre «  ces plumes qui vont à la soupe », la honte sur elles et leurs familles.

Renaud Dély, directeur de la rédaction, remontre pour l’occasion, dans un éditorial au vitriol, qu’«  entre le monde des médias et celui des pouvoirs, politique et économique, une insupportable promiscuité sociale, culturelle et même affective ne cesse donc de s’aggraver », car, explique-t-il : « Issus des mêmes milieux, formés dans les mêmes écoles, journalistes et politiques finissent par se servir mutuellement. » La conclusion de Marianne, qui consacre plusieurs pages à cette si épineuse question de l’éthique journaleuse, est sans appel : « L’affolante endogamie culturelle et sociale du monde médiatico-politique ronge un peu plus à chaque fois la crédibilité déclinante des journalistes. » Et cela est vrai, assurément : les preuves de cette consanguinité abondent.

Le 3 octobre 2016, par exemple : une foule compacte, mais soigneusement triée, se pressait dans la salle des fêtes de l’Élysée. Il y avait là, comme le raconta ensuite Le Monde, «  l’ancien patron de la CFDT, Edmond Maire  ». Et Jack Lang. Et les historiens Pierre Nora, Jean-Noël Jeanneney et Mona Ozouf. Dans un recoin, «  les patrons de Libération et de Marianne » devisaient « avec celui du Figaro », cependant que Jean d’Ormesson distribuait «  des baisemains ». Que faisaient là ces convives choisis ? Ils étaient venus assister à une touchante cérémonie : François Hollande, président « socialiste » de la République, conquis sans doute par ses homélies réactionnaires, remettait une cravate de commandeur de la Légion d’honneur à Jacques Julliard, éditorialiste chez Marianne. La veille encore : l’intéressé avait vitupéré contre «  les intellos de l’extrême gauche très influents dans les médias ». Mais ce jour-là, plus caressant : il avait, selon Le Monde, offert un peu de « baume » au chef de l’État en exercice qui venait de le décorer, en lui signifiant qu’il espérait le voir candidater à sa propre succession.

Et alors toi, je ne sais pas, mais moi je trouve assez dommage que Marianne n’ait nulle part évoqué, dans sa récente fustigation des « plumes qui vont à la soupe », le souvenir de cette amusante saynète, où son éditorialiste et son patron se pressaient contre un président de la République : je trouve que sa dénonciation de « l’affolante endogamie culturelle et sociale du monde médiatico-politique » en eût été – très – renforcée.

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